Les adhérents du Cref obtiennent une indemnisation de l’Etat

La cour administrative d’appel de Paris confirme les carences du contrôle de l’ancienne mutuelle et condamne l’Etat à leur verser une fraction de leur préjudice estimé

(Agefi Actifs du 25 juin au 1er juillet 2010)

A l’heure où le gouvernement s’attache à sauver les retraites par répartition, le voilà rattrapé par la débâcle du  Cref, cet ancien régime facultatif ouvert aux fonctionnaires, géré pour 2/3 en répartition et pour le tiers restant en capitalisation, et qui bénéficiait depuis 1989 de la déductibilité fiscale de l’article 83 1°bis du Code général des impôts.

Retour sur dix ans de procédures. La complexité du dossier est telle qu’elle mérite toujours un bref rappel des faits. En 1998, l’Inspection générale affaires sociales, mandatée par l’autorité de contrôle des mutuelles de l’époque (CCMIP) (1), pointe le non-respect des obligations législatives et réglementaires par la Mutuelle de retraite de la fonction publique (MRFP), alors gestionnaire du Cref, ainsi que son déséquilibre financier, lié à son manque de provisionnement (le rapport cite un défaut de provisionnement de 1,6 milliard d’euros).  En octobre 2000, la MRFP adopte une résolution décidant une baisse de 25% de la valeur du point Cref, représentant selon les adhérents une diminution d’environ 17% de leurs droits à rente viagère. A partir de 2001, des milliers d’adhérents (6.000 environ se sont manifestés) s’estimant victimes de la mauvaise gestion du régime se regroupent dans un comité de défense : le Cids. Enfin, en 2002, le Cref se scinde en deux régimes, l’un fermé (dit le R1), l’autre ouvert aux fonctionnaires et depuis 2005 aux non-fonctionnaires, dénommé le Corem, et la MRFP cède sa place à l’UMR en tant que gestionnaire.

Une victoire contre l’Etat… Au chapitre de la procédure, il convient de revenir au mois de juillet 2006 (2). A cette date, le tribunal administratif de Paris a reconnu, d’une part, que le régime Cref ne respectait pas les règles prévues  par le Code de la mutualité concernant les normes prudentielles et, d’autre part, la faute lourde de la CCMIP et du ministre de la Mutualité pour leur carence en matière de contrôle engageant la responsabilité de l’Etat.  « Dans cette décision, le tribunal a souligné que la mission de contrôle confiée par le législateur à l’Eta s’applique à tout moment et non pas seulement lors de la remise des comptes annuels », précisent les avocats des plaignants, Nicolas Lecoq Vallon et Hélène Feron-Poloni. Pour autant, le tribunal n’a pas accordé aux adhérents de réparation au motif que ces derniers n’avaient pas apporté d’éléments suffisamment précis pour établir un lien de causalité entre la fraude lourde commise par l’Etat et leur préjudice. Réformant ce jugement, la cour administrative d’appel de Paris, dans sa décision de du 17 juin 2010 (3), accorde une indemnisation aux requérants  en condamnant l’Etat à leur  verser  20% du préjudice chiffré par leurs soins.  « Environ 1.300 plaignants vont pouvoir obtenir une indemnisation et deux autres vagues de 2.000, soit encore 4.000, devraient suivre », se félicite Guillaume Prache, président de l’Arcaf et membre du Cids. Ce dernier n’omet pas de compléter que « ce recours indemnitaire contre l’Etat n’étant pas prescrit, l’arrêt  du 21 juin 2010 pourrait ouvrir la porte aux quelques 450.000 victimes du Cref » tout en regrettant que ces avancées « ne concernent pas les démissionnaires du régime » (4).

… qui redonne espoir sur l’action au civil. Le feuilleton judiciaire du Cref n’est pas près de s’arrêter. A côté du volet administratif qui pourrait bien se poursuivre devant le conseil d’Etat, le dossier comporte aussi un volet pénal, contre les anciens dirigeants du régime mis en examen en 2002, et un volet civil qui doit se prononcer sur l’indemnisation des adhérents par la mutuelle.  « Il y a deux ans, le tribunal de grande instance de Paris avait validé les prises de décision relative à la baisse de la valeur des droits par les responsables du régime en l’an 2000 et avait estimé, entre autres, que le lien de causalité entre le préjudice allégué par les demandeurs et le défaut de provisionnement du régime n’était pas établi. Un appel de cette décision est en cours », rappellent  Nicolas Lecoq Vallon et Hélène Feron-Poloni.

Jean-Charles Naimi

(1)   Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance.

(2)   Tribunal administratif de Paris 5° section, 1ère chambre du 12 juillet 2006.

(3)   N°06PA03398, CAA Paris.

(4)   Environ 70.000, selon Guillaume Prache