Une Caisse d’épargne mise en examen pour publicité mensongère

Article paru dans le Parisien le 2 juillet 2010 :

PRODUIT FINANCIER. Du jamais-vu ! Une banque, la Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche, est mise en examen pour publicité trompeuse. Le fonds Doubl’ô, déjà épinglé par la Direction des fraudes, est de nouveau visé.

C’est une première : une banque mise en examen pour publicité trompeuse sur un produit financier. Selon nos informations la Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche a fait l’objet d’une telle décision par un juge d’instruction de Saint-Etienne (Loire). Le placement n’est autre que Doubl’ô, de triste réputation puisqu’il vient également d’être épinglé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans un rapport transmis au parquet de Paris.

Souscrit par quelque 240 000 clients du réseau des Caisses d’épargne, Doubl’ô, lancé en 2001, promettait sur une plaquette publicitaire un doublement du capital en six ans. Un astérisque renvoyait à un paragraphe écrits en petits caractères qui précisait « sous réserve des conditions indiquées dans la notice COB, la commission des opérations de Bourse (NDLR : le gendarme de la bourse à l’époque) ». Six ans plus tard, les souscripteurs avaient tout juste récupéré leur capital initial réduit les frais bancaires. « Outre les aspects déontologiques, ce qui est scandaleux, c’est que seuls les clients prenaient des risques avec ce produit alors que la Caisse, elle, prélevait de 1 à 2 % de frais d’entrée et de gestion sur les sommes collectées, c’est-à-dire qu’elle gagnait de l’argent pendant que ses clients en perdaient », s’exclame Daniel Richard, avocat des clients dans cette procédure. Jugé au pénal, ce cas ouvre cependant de nouvelles perspectives aux épargnants. « Grâce à cette décision, les Caisses d’épargne vont devoir s’expliquer sur les raisons qui les ont amenées à s’engager sur un doublement du capital versé, expliquent Nicolas Lecoq Vallon et Hélène Féron-Poloni, avocats en charge de plusieurs dossiers dans cette affaire. Nous sommes désormais sur le terrain pénal et le juge d’instruction a les pouvoirs et les moyens de procéder à des investigations financières poussées. Contrairement aux plaintes au civil qui mettent face à face des groupes financiers et de simples particuliers, évidemment beaucoup moins bien armés. » Fortement incités à investir dans Doubl’ô par des publicités pour le moins agressives, les clients de l’Ecureuil ont été nombreux à vider leur livret d’épargne ou leur plan d’épargne logement à la clé desquels ils étaient au moins assurés de percevoir des intérêts.  « J’avais souscrit un produit Doubl’ô pour pouvoir, au bout des six ans, changer tout mon équipement télévision, lecteur, ordinateur, explique Michèle, aujourd’hui retraitée de la fonction publique. Pour cela, j’y ai transféré les 3 000 €  que j’avais épargnés sur mon livret A. En 2007, j’ai découvert que je n’avais pas les 6 000 € promis mais un peu moins que mon capital de départ. Je suis furieuse.» Le juge a six mois pour décider le non-lieu ou un renvoi en correctionnel. La Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche n’a souhaité faire aucun commentaire. Mise en cause dans un dossier similaire, la Caisse d’épargne Côte d’Azur, poursuivie par Me Daniel Richard, avait expliqué qu’une seule chose était garantie, le capital investi et que cette garantie avait été honorée. Pas tout à fait.